Prestation de serment des agents de police, au palais de Chaillot, à Paris, en janvier 1942 (photographie interdite par la censure). ajouter copyright

Serge Quadruppani, Éric Hazan et Lundi Matin : généalogie et rôle d’un agent provocateur dans l’ultragauche  

L’histoire de l’ultragauche française est traversée par des figures ambiguës, dont les trajectoires mêlent militantisme, révisionnisme et opérations de désinformation. Parmi elles, Serge Quadruppani occupe une place centrale, tant par son rôle dans l’importation du négationnisme dans les milieux libertaires que par ses liens troubles avec l’éditeur Éric Hazan et le site Lundi Matin.  

 Un parcours marqué par le révisionnisme  

Dans les années 1980, Quadruppani, aux côtés de son complice Jean Barrot (alias Gilles Dauvé) fils du célèbre commissaire Dauvé, ancien RG politique en charge des gauchistes et collaborateur notoire et efficace qui fit l’admiration de la Police SS de Paris du temps de sa jeunesse pour la qualité de son travail, s’est illustré par la diffusion de thèses révisionnistes au sein de l’ultragauche.

À travers trois revues – La Guerre sociale, Le Brise-Glace et La Banquise –, ils ont inondé les librairies militantes d’une prose niant l’existence des chambres à gaz, sous couvert de critique radicale. Guy Debord, lucide, avait d’ailleurs qualifié Quadruppani de « moustaches d’une bourrique » dans Cette Mauvaise Réputation, dénonçant son travail comme une manipulation idéologique.  

Pourtant, Quadruppani a toujours su se recycler : romancier policier, il a bénéficié de la complaisance d’éditeurs comme Éric Hazan, qui a publié ses œuvres tout en fermant les yeux sur son passé. Lorsque le polar engagé Didier Daeninckx découvrit la présence de Quadruppani et Barrot chez son éditeur, il réagit en révélant leur curriculum vitae peu reluisant. En réponse, les deux hommes rédigèrent un texte tortueux, « Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis », plusieurs fois remanié et signé par des prête-noms pour masquer leur implication.  

 La stratégie de l’infiltration  

Daeninckx y vit une tentative d’infiltration fascisante, mais ne perçut pas l’ampleur de la manœuvre : il s’agissait moins d’une offensive d’extrême droite que d’une opération de désinformation professionnelle, visant à saper toute critique cohérente du système. Quadruppani, Barrot et leur réseau ont toujours joué sur deux tableaux :  

D’un côté, un discours ultraradical, séduisant les anarchistes « bisounours » et les communistes romantiques.  

De l’autre, une pratique consistant à noyer toute lutte effective dans des débats stériles et des controverses empoisonnées.  

Cette stratégie a trouvé un relais dans des projets comme Mordicus, un journal contrôlé en sous-main par des réseaux opaques, malgré une façade de démocratie directe. Certains membres de l’Association des communistes sédentaires (ACS), conscients du piège, ont infiltré les réunions rédactionnelles pour observer la mécanique à l’œuvre – une situation grotesque où chacun savait que l’autre savait, mais où le jeu se poursuivait malgré tout.  

 La complicité d’Éric Hazan et de Lundi Matin  

Éric Hazan, fondateur des éditions La Fabrique, a longtemps offert une légitimité à Quadruppani en publiant ses livres. Cette complicité s’étend au site Lundi Matin, qui, sous des airs de critique radicale, recycle régulièrement des thèses équivoques, entre complotisme et pseudo-subversion. Hazan, tout en se présentant comme un éditeur de gauche intransigeant, a toujours su ménager ces figures troubles, contribuant à brouiller les frontières entre radicalité authentique et manipulation.  

Un conte de fées toxique  

L’histoire de Serge Quadruppani est celle d’un agent provocateur efficace, dont le travail a consisté à fragmenter et discréditer les mouvances révolutionnaires. Avec l’aide d’Éric Hazan et de relais comme Lundi Matin, il a pu se maintenir dans les milieux militants, semant la confusion et détournant l’attention des véritables enjeux.  

Aujourd’hui, alors que Daeninckx reste la cible de campagnes de diffamation orchestrées par des « réseaux ad hoc », il est urgent de tirer les leçons de cette infiltration : l’ultragauche doit se méfier de ceux qui, sous couvert de radicalité, œuvrent en réalité à sa paralysie.  

La vigilance reste de mise – car derrière les contes de fées militants se cachent parfois de bien sombres desseins.

Photo : prestation de serment des agents de police, au palais de Chaillot, à Paris, en janvier 1942 (photographie interdite par la censure). ajouter copyright